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12 août 2007 7 12 /08 /août /2007 00:32
Essai télévisuel autour de la genèse de la chanson "Initial B-B" de Serge Gainsbourg.... entre 1967 et 1968.



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7 juin 2007 4 07 /06 /juin /2007 20:11

par François-Xavier Ajavon.


Le problème des œuvres incontournables, c’est qu’elles bloquent le passage. Tel est le cas de la comédie musicale « West Side Story », composée par Léonard Bernstein en 1957, et dont tout le petit monde de la musique classique s’apprête à fêter dignement le jubilé. Ainsi, cinquante ans après sa création, la très célèbre comédie musicale américaine, popularisée jusqu’à la rupture d’anévrisme par le film de Robert Wise, retrouve une nouvelle jeunesse sur les planches de Broadway. Une tournée mondiale suivra, avec une escale prévue à Paris, au théâtre du Châtelet ( novembre-décembre 2007 ). Autant dire que nous allons en souper des « Shark » et des « Jets »… Poings serrés, pas chassés, claquements de doigts cadencés... love-story naïve et murs délabrés de l'Upper West Side, New York. On aurait beau jeu de faire remarquer que de nos jours les bandes rivales s’attaquent au fusil d’assaut et que les new-yorkaises branchées ont renoncé définitivement à la jupe plissée… la poésie demeure.

 

 

 

Mais le problème des œuvres incontournables, c’est qu’elles bloquent le passage. L’empan de la créativité de Léonard Bernstein ( 1918-1990 ), s’étend bien au-delà de la comédie musicale... depuis la musique symphonique jusqu’à la musique religieuse, en passant par d’ambitieux cycles vocaux méconnus. Mais certains artistes sont manifestement condamnés à être les hommes d’une seule création : on pense à la Carmen de Georges Bizet, qui a complètement éclipsé ses autres œuvres lyriques ; on pense à l’Adagio de Samuel Barber qui a jeté dans l’oubli le reste de son catalogue ; on pense au Boléro de Ravel, et même au Pierrot lunaire de Schoenberg, pourquoi pas…

 


 

Le succès de Léonard Bernstein, en France, n’est plus à prouver. L’année dernière, déjà, les représentations de son opéra « Candide » au théâtre du Châtelet ont affiché complet, et la retransmission de ce spectacle à la télévision a battu tous les indices d’écoute. D’ailleurs la plupart des mélomanes européens connaissent bien Léonard Bernstein comme chef d’orchestre, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New-York dans les années soixante, et chef associé à quelques unes des plus prestigieuses phalanges internationales : l'Orchestre philharmonique d'Israël, l'Orchestre philharmonique de Vienne, l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, l'Orchestre symphonique de Londres et l'Orchestre national de France. La plupart des mélomanes européens connaissent bien Bernstein grâce aux « Young People's Concerts », émissions de télévision ( 1958-1973 )  ludiques et élégantes, destinées à un public familial, régulièrement rediffusées, qui ont fait la culture musicale de générations entières de kids grossiers, ignorant tout de la « forme sonate » et du répertoire de Stravinsky. La recette du succès ? Un art de la didactique à toute épreuve, une élégance vintage qui ne laisse pas indifférentes les mères de famille, une télégénie évidente, et un indéniable goût du show

 

 

 

Ce que l’on connaît moins, en général, c’est le Léonard Bernstein intime… le Bernstein authentique. L’opiniâtre travailleur attaché à son « Œuvre » musicale, le mystique juif passionné par la Thora, le père de famille exemplaire, le chef d’orchestre qui défendait les opus d’autres compositeurs comme si leur survie en dépendait, et la sienne aussi… On connaît moins bien le Bernstein authentique… celui qui a composé une étonnante « Messe » en 1971 pour orchestre symphonique traditionnel et orchestre de « rock », celui qui a composé en 1954 un étrange concerto pour violon,  « Serenade », sur l’ambitieux argument du Banquet de Platon… on connaît moins bien le Bernstein composant dans les années cinquante une musique de film pour Elian Kazan, ou écrivant un cycle vocal en langue française, « La bonne cuisine », sur la trame baroque des pages d’un livre de recettes culinaires…

 


 

Bernstein, certainement un peu farceur, déclarait quelques jours avant sa mort qu’il décidait de cesser de diriger des orchestres pour se consacrer exclusivement à la composition. Que c’était mieux comme ça… que c’était plus prudent. Peu après l’annonce de sa mort, le violoniste Isaac Stern déclarait : « Une époque spectaculaire de la musique américaine disparaît… ». En effet… et il faut remarquer que la musique classique américaine s’était bien cherchée auparavant, entre l’intégration de la syncope jazzique avec Aaron Copland ou George Gershwin, et l’ingestion de la tradition musicale européenne Mitteleuropa, avec force cordes lyriques et pathos tragique. L’œuvre de Bernstein marque assurément la réussite, manifeste et internationale, du projet démesuré et naïf qu’était la musique classique américaine… qu’est-ce que la « musique américaine » ? La musique d’une bande de migrants européens, affamés, plutôt incultes, amateurs de cantiques religieux protestants et imprégnés de culture européenne… ? Même Dvorak, compositeur tchèque invité au conservatoire de New-York à la toute fin du XIX ème siècle, ne parvint pas, avec sa fameuse « Symphonie du nouveau monde » ( n°9 – opus 95 ), à donner une réelle identité nationale à la musique nord-américaine… croyant à tort que cette dernière devait se nourrir des chants traditionnels indiens, les « native americans ». Bernstein avait, de son côté, parfaitement compris ce qui faisait le corps et l’esprit de la musique américaine : une spontanéité franche jusqu’à la brutalité, un goût décomplexé du « récit » mélodique, une disposition naturelle au spectacle…

 

 

 

Dans une « master-class » filmée en 1987, Léonard Bernstein disait que la direction d'orchestre devait permettre de « communiquer l'esprit de la musique ». « Communiquer », s’il vous plait…qu’on me permette de le souligner… Qui, aujourd’hui, oserait encore cette conjonction politiquement incorrecte des mots « communiquer » et « musique » ? Communication et art… stratégie et gratuité. Efficacité. Transmission.

 

 

 

Comme nous le disions ci-avant : le problème des œuvres incontournables, c’est qu’elles bloquent le passage. Espérons que le succès médiatique annoncé de la reprise à Paris de « West-Side Story », dans quelques mois, ne masquera pas aux français, l’ensemble de l’œuvre de Bernstein, compositeur américain authentique et « communicateur » de musique hors-pair…



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9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 16:20

Le 28 février 2006, il y a un peu moins d’un an, je publiais ce petit texte dans les pages « Rebonds » de Libération, dans le seul but de briller aux yeux d’une charmante jeune-femme que je savais abonnée au quotidien de Serge July… comme je ne savais pas quoi dire, et que j’étais plutôt malheureux, j’ai parlé du compositeur soviétique Dimitri Chostakovitch. Il va de soi que cela n’a nullement impressionné la susdite jeune-femme…

 

 

Le texte ( titré abusivement "Chostakovitch ce dissident par le journal ) n’était plus accessible sur le site de Libé, en voici la version « longue ». Bonne lecture.

 

 

 

Chostakovitch 2006 : un guetteur de l’apocalypse socialiste.

 

 

Par F-X Ajavon.

 

 

 

Le quatre-vingt-dixième anniversaire de la naissance du grand compositeur soviétique Dimitri Chostakovitch ( 1906-1975 ) donne l’occasion de se pencher sur un fascinant destin artistique paradoxalement  brisé et affermi sous le joug d’une idéologie aveugle.

 

 

 

 

 

Au jeu des anniversaires la presse musicale est imbattable : chaque année se transforme systématiquement en événement international de célébration. Il y a des années Beethoven comme il y a des années Brahms, et les années Bach se succèdent presque les unes aux autres, indécemment… 2006 est une année Mozart, c’est un fait : le sale gamin a 250 ans d’âge. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer, c’est promis. Quand toute la « caravane » publicitaire du marketing et du commerce culturel sera passée, le silence retombera sur le gentil petit prodige autrichien. Mais 2006 marque aussi d’autres anniversaires dans la musique classique, moins tonitruants :  le compositeur britannique Benjamin Britten nous a quitté il y a trente ans ; le plus talentueux des compositeurs français vivants, Henri Dutilleux, a fêté discrètement ses quatre-vingt-dix printemps ; le compositeur espagnol Manuel de Falla a été rappelé à Dieu il y a soixante ans… et puis surtout en 1906, il y a exactement cent ans, naissait un géant de la musique classique contemporaine, à qui nous devons certainement l’une des œuvres les plus riches, les plus inventives et les plus iconoclastes du XX ème siècle : Dimitri Chostakovitch.


Ce grand compositeur, par une ironie magnifique de l’histoire, naquit Russe un an après la révolution avortée de 1905 et mourut soviétique au milieu des années 70, sans jamais avoir renoncé à l’impérieuse nécessité d’écrire une œuvre personnelle malgré le contexte politique. L’itinéraire humain et  artistique de Chostakovitch nous donne une leçon de vie au quotidien, et nous montre que la force de la volonté triomphe de tout, même de l’innommable.

 

 

 

Quel autre compositeur se serait relevé des pires attaques de ces quelques intellectuels occidentaux soumis aux dogmes du modernisme, tel Théodore Adorno qui estimait dans l’introduction de sa Philosophie de la nouvelle musique[1]  que l’univers de Chostakovitch était un mélange débile de routine et d’impuissance ? Quel autre compositeur aurait résisté aussi bien que lui aux milles attaques dont il a été victime dans sa propre patrie soviétique [2], à laquelle il est pourtant toujours resté fidèle, et qui ne l’a remercié que par une guerre intellectuelle incessante menée tour à tour par Jdanov et Khrennikov, deux des fidèles chiens de garde insipides de l’esthétique stalinienne ? « Esthétique stalinienne »… ça fait bizarre d’écrire cela en 2006, un an avant l’anniversaire des quatre-vingt-dix ans de la Révolution d’octobre et des dix ans de la mort de Georges Marchais[3]. On pense au réalisme socialiste évidemment, quand on est peintre ça va, on se dit que ça pourra donner du André Fougeron [4], avec un petit effort… mais comment être réaliste, et derechef socialiste, quand la matière première est sonore ?


Il fallait assurément du génie et de l’endurance mentale pour survivre en contexte soviétique avec une si forte personnalité et produire une œuvre si impressionnante ( quinze symphonies, quinze quatuors, de nombreuses œuvres lyriques dont une Lady Macbeth qui est l’un des opéras les plus importants du siècle dernier, etc. ) Il fallait du génie, et une dose tragique de volonté, pour réussir ce projet fou : se dresser en tant qu’artiste-roi, individu total, face à la dictature collectiviste toute puissante qui se voulait elle-même œuvre d’art.

 

 



 

 

On a parlé ironiquement de « Staline œuvre d’art totale »[5] : on sait à quel point le petit père des peuples s’ingérait dans les affaires culturelles de l’URSS. Au-delà, on sait aussi le lien troublant entre art et tyrannie, depuis le Néron musicien raté[6] jusqu’au jeune caporal Hitler peintre médiocre[7], en passant par ce Staline critique musical, imposant sa vision de l’esthétique soviétique « anti-formaliste » aux plus grands compositeurs de son temps. A l’artiste tyrannique, imposant partout sa volonté propre sur la forme comme sur le fond, le régime totalitaire semble répondre par le tyran-artiste, fixant les contours et les contenus de la représentation de sa propre histoire. C’est dans ce contexte de tensions entre politique et création que Dimitri Chostakovitch, guetteur de l’apocalypse socialiste, a produit quelques unes des plus grandes œuvres musicales du XX ème siècle.


C’est là toute la grandeur paradoxale de cet homme, qui n’a quasiment jamais quitté l’URSS mais a noué des liens avec quelques uns des plus grands musiciens de son temps ( Rostropovitch, Bernstein, Britten, etc. ), qui n’a recherché que sa voie stylistique propre mais a été frappé tour à tour par les foudres soviétiques ( car on le trouvait trop moderniste ou « formaliste » ) et occidentales ( car on le trouvait trop classique et asservi au régime socialiste ) ; paradoxe, enfin, d’un artiste qui a su faire tenir à sa musique un double-langage fascinant, inextricable, s’adressant à nous comme individus-collectifs, animaux politiques, confrontés à l’horreur collective de l’histoire, mais aussi comme individus absolus confrontés à l’angoisse de notre finitude.

 

 


 

Le Chostakovitch populaire de la Seconde Suite pour orchestre de jazz, celui patriotique des XIème et XIIème Symphonie, celui ironique de la VIème Symphonie ou de la mini-cantate Raïok, longtemps restée clandestine, celui érotique de la Lady Macbeth ou encore le Chostakovitch si intimiste et déchirant de la musique de chambre n’en font qu’un, et il est bon de constater que cent ans après sa mort l’œuvre du grand compositeur n’a pas été emportée dans la chute du système soviétique, et que parmi les décombres brillent ça et là des œuvres importantes comme autant de témoignages de l’imbrication difficile de la politique et l’art, et de son dépassement dans le génie. Ce centenaire, quinze ans après l’éclatement du bloc de l’est,  est l’occasion pour les mélomanes et musiciens de rompre définitivement avec cette dialectique grossière du « compositeur officiel du régime » et du « résistant de l’intérieur » : Chostakovitch n’était rien de tout cela, avant d’être un homo-sovieticus[8], il était un compositeur angoissé avec la lourde charge de laisser une « Œuvre ». A t-on jamais reproché à Mozart ou Bach de répondre à des commandes officielles ?

 

 

 

Chostakovitch était surtout un militant de lui-même, et notre époque – si prompte à encourager les engagements politiciens les plus divers - a besoin de se tourner vers lui afin de comprendre que l’on peut aussi résister à un environnement politique oppressant par la noblesse d’un exil intérieur et artistique.

 

 

 

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[1] Theodor W. Adorno, Philosophie de la nouvelle musique, Gallimard, collection TEL, p. 17.

[2] Ce furent des attaques frontales, évidemment, mais aussi des critiques insidieuses à l’image de ce commentaire  publié dans le livre de Ludmila Poliakova, La musique soviétique ( Editions en langues étrangères, Moscou, 1961 ), destiné au public francophone, qui est une tentative manifeste de raccrocher l’œuvre du compositeur à l’esthétique ambiante de l’URSS : « Mais malgré le caractère contradictoire des premières œuvres de Chostakovitch ( l’opéra Lady Macbeth, le Premier concerto pour piano, les 24 préludes pour piano, la Sonate pour violoncelle ), peu à peu s’y fait jour un flux de vivant humanisme, un élan vers une représentation véridique de la réalité : on sent de plus en plus nettement le pouls de l’artiste soviétique qui se libère des influences esthétiques fausses qui lui sont étrangères ». ( p. 17 ).

[3] Georges Marchais ( 1920-1997 ), cadre dirigeant du Parti Communiste Français, plusieurs fois candidat aux élections présidentielles, et longtemps secrétaire général du parti.

[4] André Fougeron ( 1913-1998 ), artiste-peintre français, adepte du réalisme-socialiste, et membre du Parti communiste.

[5] Boris Groys, Staline œuvre d’art totale, Editions Jacqueline Chambon, 1998.

[6] Les derniers mots de l’empereur Néron, assassiné par un affranchi, furent « Qualis artifex pereo » ( quel artiste périt avec moi… ).

[7] Voici quelques exemples d’œuvres picturales de l’artiste-peintre Hitlter : <http://www.oskarschindler.com/Albums6/album.htm>

[8] Cf. notamment Michel Heller, La machine et les rouages, la formation de l’homme soviétique, Calmann-Lévy, 1985.

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