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12 novembre 2007 1 12 /11 /novembre /2007 12:15
 Par François-Xavier Ajavon.
 
Cette semaine l’hebdomadaire Marianne de Jean-François Khan, marqué à gauche, publie sur deux pages un article passablement désagréable, contre le groupe mythique de Fred Chichin et de Catherine Ringer : « Gare aux Rita Mitsouko en politique ! » (édition du samedi 10 novembre 2007), sous la plume d’une certaine Stéphanie Marteau. (Une jeune journaliste qui n’hésite pas - à l’occasion - à collaborer en tant que contributrice éditoriale au site de la banque américaine GE Money Bank... Je vous conseille notamment la lecture de « Les Conséquences financières de la fin d’une union libre » en écoutant Les Histoires d’A... des Rita... ) J’ai lu son article trente fois ce week-end. Il n’y a vraiment rien à faire... Tu sais c’est comme cette fille qui voudrait que je me soigne, et qui abandonne son clebs au mois d’août en Espagne... j’sens comme un vide... remets-moi Johnny Kidd !

 

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Pochette de "Variéty", le nouvel opus des Rita Mitsouko



Soyons sérieux. Mme Marteau a donc écrit un article de deux pages pour dénoncer la dangereuse droitisation du plus sexy des couples rock « trash » des années 80... le surtitre est évocateur : « Ils pensent comme Dantec, ils admirent Bruckner, ils adorent Sarkozy... » Ouh la la... Dantec, Bruckner, Sarkozy... Ouh la la... La présentation des Rita en tant que « quinquas trash » en dit long, également. Des quinquas... des vieux cons quoi ! Ca sent le procès stalinien, la mise au pilori, l’émasculation, la mastectomie, la remise à plat des acquis culturels, l’exécution publique.

Pour ceux qui auraient raté un épisode, petit rappel des faits : à l’occasion de la sortie de leur nouvel (et remarquable) album Variéty, en mai dernier, les Rita Mitsouko ont été entraînés dans l’habituel vortex communicationnel de la promotion. A cette occasion ils se sont exprimés à plusieurs reprises sur des sujets périphériques à la musique, notamment dans les pages du Parisien où ils ont apporté leur soutien discret à Nicolas Sarkozy : « On espère que cette société va se débloquer après des rêves socialo-communistes qui l’ont gangrenée. » Fred Chichin a même été plus loin dans Télérama sur le thème de l’anticommunisme : « Tout jeune, j’étais confronté à une contradiction flagrante : mon père était un communiste fou de westerns, mais, à cause de ses convictions, il voyait les westerns en cachette. Parce qu’officiellement il fallait détester le western américain, pur produit de l’idéologie impérialiste US. (...) J’ai appris le nihilisme et cette culture de se construire dans la haine de ce que l’on est. Tout ce qui n’était pas blanc était formidable, tout ce qui était blanc était mal. » Sur le rap, le guitariste des Rita n’hésite pas à déclarer : « Je suis resté deux mois avec une quarantaine de rappeurs. C’est édifiant sur le niveau et la mentalité... Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale française. C’est une véritable catastrophe, un gouffre culturel. La pauvreté de l’idéologie que ça véhicule : la violence, le racisme antiblancs, antioccidental, antifemmes... C’est affreux. » Voilà, en gros, les objets du délit. La dénonciation de la persistance de l’idéologie communiste en France, sur fond d’histoire personnelle, et la critique musclée d’un genre musical parfois agressif.

Cela n’empêche pas Mme Marteau, de Marianne, d’instruire un authentique procès inquisitoire. On aimerait bien la rencontrer en vrai cette jolie petite fiancée idéale de Bernardo Gui. On aimerait l’entendre chanter quelque chose sur scène... Elle répète à longueur d’article que les Rita Mitsouko ont de la « haine » à cracher (référence inévitable à leur tube des années 90, Y’ a de la haine !), qu’ils sont racistes, intolérants, agressifs, inactuels, dingues, dangereux, etc. Halftime sociologue de bazar, Mme Marteau estime que le parcours des gens fabrique strictement leurs engagements politiques, elle estime que nous sommes tous déterminés par le milieu dans lequel nous avons grandi et par les parents qui nous ont faits : « Aux yeux de tous, ce groupe emblématique des années Mitterrand ne pouvait qu’être de gauche. Tout dans leur histoire, leur milieu, leurs combats semblait l’indiquer. Fred Chichin a grandi à l’ombre des tours d’Aubervilliers, élevé par des parents communistes. Son père, critique de cinéma, a été exclu du Parti en 1967 pour maoïsme. Catherine Ringer, elle, est la fille d’un peintre juif polonais qui a survécu à la déportation. » Le fils d’un communiste et la fille d’un artiste peintre ne pouvaient donc donner que des gens de gauche, de purs humanistes, progressistes, confiants en l’avenir radieux, optimiste en la vie et les hommes...



 
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Le couple infernal domine le quartier.
On avait pensé à : "Deux blancs sur le zinc", mais - vu le contexte - on a renoncé.

 

Stéphanie Marteau ne supporte pas que le groupe, engagé dans tous les combats médiatiques de la gauche durant les années 80-90, ait changé de bord : « ...la Ringer, diva punk exubérante, et son mari, guitariste destroy et surdoué, étaient de tous les combats de gauche. Devant 100 000 personnes place de la Bastille, en 1986, avec SOS Racisme. Avec Jacques Higelin et leur copine Josiane Balasko pour une soirée organisée par le DAL en 1993 dans un immeuble inoccupé de l’avenue René-Coty, pour empêcher l’expulsion de familles sans logis. » La journaliste donne ensuite des gages documentés de la monstruosité des Rita Mitsouko.

En se reposant sur le témoignage (soumis à caution - car passablement haineux) du frère de Fred Chichin, Fabrice, elle indique que le couple aurait refusé d’héberger un sans-papiers... scandale ! Fred et Catherine n’ont pas voulu accueillir un type innocent, sauvagement pourchassé par les hordes policières françaises à la solde d’un Etat négrier et impérialiste... Quel scandale !

Le second gage de la monstruosité des Rita Mitsouko est qu’ils n’ont pas accepté que la prestation scénique qu’ils ont offerte au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), soit reprise sur le DVD édité par l’association. La journaliste recueille le témoignage de Stéphane Maugendre, vice-président de l’association : « Les Rita sont les seuls à avoir refusé que leur prestation soit reprise sur le DVD réalisé par l’association. » Quel scandale ! Vouloir garder un droit de regard sur l’exploitation de son image et de ses œuvres est certainement mal vu dans certains milieux...

Le troisième gage de la monstruosité des Rita Mitsouko est donné par un « proche » anonyme du couple, qui déclare : « Ils ont très peur de la montée de l’intégrisme musulman, confie un proche. Depuis les attentats du 11 Septembre (2001), c’est un sujet qui les hante, qui les angoisse beaucoup, surtout Fred.  » Frappé du sceau de l’anonymat ce témoignage est instructif... D’abord il semble nécessaire de rappeler aux lecteurs de Marianne que le « 11 Septembre » est un événement qui s’est passé en 2001. Ensuite il est scandaleux, semble-t-il, pour un guitariste, de s’inquiéter de la montée des intégrismes religieux...

Le quatrième gage de la monstruosité des Rita Mitsouko est leur intérêt pour l’œuvre de l’essayiste Pascal Bruckner (qui a notamment - ô infamie ! - défendu l’intervention militaire américaine en Irak).

Le cinquième gage de la monstruosité des Rita Mitsouko est leur intérêt pour l’œuvre du romancier Maurice G. Dantec : « Comme leur copain, le romancier Maurice Dantec, qu’ils vont parfois voir au Canada quand ce n’est pas lui qui leur rend visite à Paris, ils redoutent une guerre civile en France. »

 


LesRitaMitsouko1.jpg
 
Glam, glam, glam, glam...


Paranos et droitisants, donc, les Rita ? Je fais le point : il m’arrive de lire Dantec, je suis un lecteur occasionnel de Bruckner (qui ne me déplaît pas du tout quand il s’exprime dans mon téléviseur secam couleur), je n’ai pas de « sans-papiers » sous la main, et je ne goûte pas particulièrement au rap... Je vis dangereusement... ?

Le sixième gage de la monstruosité des Rita Mitsouko est que le site Occidentalis a repris en ligne certaines de leurs interviews. Diable ! Les Rita seraient donc responsables des récupérations et reprises « extrémistes » de leurs propos... Où va-t-on ?

Pour finir, la critique de cette « dérive » politique des Rita Mitsuko est cautionnée, dans cet article, par le témoignage d’un ancien employé de Virgin, Thierry Planel, dont on ne sait pas très bien s’il fut vendeur à mi-temps au rayon world music des Champs ou directeur artistique : « Leur intransigeance artistique s’est transformée en intolérance politique. » On craint pour les prochaines productions de David Bowie ou de « Love-Symbol »-Prince... si l’intransigeance est un signe d’abomination droitisante... Ziggy Stardust et le kid de Minneapolis vont-ils virer fascistes  ?

C’est pas très rock’n’roll tout ça... Baby, j’sens comme un vide... remets-moi Johnny Kidd ! C’est même un joli tissu d’âneries tout ça. On n’a pas peur de cracher au visage de l’un des meilleurs groupes français, de dévaloriser leurs créations, de s’asseoir sur leur patrimoine, pour la seule raison qu’ils seraient devenus « de droite »... On en oublierait même que le couple le plus glam de la scène rock française est au centre du film Soigne ta droite de Jean-Luc Godard...

Et si on laissait les gens s’exprimer librement ? Et si on s’astreignait, dans la presse, à juger les artistes sur pièces ? Si on s’astreignait à ne juger les artistes que sur leurs œuvres ?

Et si on admettait que les créatifs peuvent aussi avoir des opinions conservatrices ?

Pourquoi pas ?

Hein ?







Addenda du 29/11 : Fred Chichin est mort hier. Dans le concert de louange médiatique, et d’hommages, Marianne2.Fr ( le site web de l’hebdomadaire ) nous offre une petite perle de culture, un petit bijou d’auto-critique voilée : « Rita Mitsouko: les bien-pensants les avaient déjà enterrés » par Alain Léauthier, dans lequel le journaliste écrit : « … les deux quinquas n'adoraient plus le veau gras d'une certaine vulgate progressiste approximative, figée sur les « acquis » et incapable de penser les nouveaux défis contemporains.(…) On jugeait donc de mauvais goût leur regard vaguement intéressé sur Nicolas Sarkozy et carrément limite leur amitié avec l'écrivain Maurice Dantec, « grand malade » des Lettres Françaises, obsédé par le déclin et l'islamisation supposée irréversible du vieux continent européen. Les Rita avouaient leur peu d'estime musicale et humaine pour la scène rap française. Cela a suffi, semble-t-il, à les disqualifier auprès de quelques arbitres autoproclamés des élégances artistiques et morales. ».


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commentaires

B
et puis même s'ils se sont gourés ? C'est un droit constitutionel de se gourer. Qui peut dire si le problème c'est la montée de l'intégrisme religieux ou la conspiration de la cia et du mossad ? enfin voilà, ils peuvent se gourer. Et alors, leur oeuvre est elle si engagée politiquement que ça en devient gênant ? En écoutant leurs chansons, chacun y voit son propre truc, peut être l'inconscient collectif, peut être la pulsion du moment, mais de là à s'identifier à son jumeau astral ? Et céline ? Et lautréamont ? Ou a t on entendu une promesse politique ou philosophique si précise dans leur oeuvre ? Les rita vous ont ils promis quelque chose ? Moi je me trémousse sur ma chaise en écoutant des chansons qui ne sont pas de moi. Moi je cautérise mes plaies avec quelques disques. Bien sûr, si sarkozy ou miterrand avaient fait de la musique je le dirais si je trouve ça nul ou génial. Je fais ma thérapie, je ne vais pas chez le même psy que fred ou catherine, et si je les croise quelque part ça m'empêchera pas de leur dire bonjour.
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F
C'est assez hilarant de la part de ce mag. Ce sont de véritables girouettes à Marianne
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